Je ne
connais pas ta peine ou l’immensité de la noirceur qui entoure ton âme, je ne
connais pas le chemin que tu as parcouru depuis que tu es née. Je n’ai jamais
chaussé tes souliers, ni même mis une seule fois ce chandail qui te rend si
jolie!
Je n’ai
pas porté tes broches et je n’ai pas vécu toutes les peines qui te chagrinent
le cœur et noircissent ton âme. Je ne te
juge pas et jamais il ne me viendrait à l’esprit de penser que c’est la faute
de qui que ce soit, ni même ta faute à toi.
Je
frissonne comme la mère que je suis devenue au fil des années, je pense à
comment la tienne réussit à tenir debout à se battre pour te montrer que demain
est meilleur qu’aujourd’hui et que la vie même quand elle semble à sa fin,
finit par trouver son chemin vers la lumière et les rires!
Mais
encore plus, je me rappelle d’avoir eu deux amies comme toi. Qui traînaient
leur peau de chagrin partout.
Elles
le faisaient comme il me semble, tu l’as fait, dans les dernières années. Avec
un sourire en façade et des rires pour faire comme ci. Maintenant je sais que
ce n’était que du théâtre et qu’elles avaient la facilité du jeu, elles savaient
comment nous faire croire au bonheur, quand tout au fond d’elles c’était le
néant, que la vie était entourée de brumes sombres.
Des
deux, une est encore en vie. Elle a maintenant trois enfants et semble
heureuse, je sais par contre que la route n’a pas été facile toujours, mais je
sais aussi, parce que je suis rendue vieille et plus sage, que le temps fait
bien les choses. On finit par rire un peu les peines passées, on finit par
aimer ce qui nous a tant fait mal, parce que ça nous a rendues plus fortes et
plus solides.
L’autre…
Eh
bien l’autre n’a pas réussi à croiser le soleil assez longtemps pour croire qu’un
jour elle serait solide et qu’elle pourrait aimer celle qui était en elle, la
sombre, la pas jolie, la grosse, la pas douée… Et toutes ces choses qu’elle
croyait d’elle-même!
Tous
les jours elle nous répétait son mal-être en riant, tous les jours nous avons
ri avec elle.
Le
grand trou dans le ventre quand j’ai su que le souvenir de son rire laisserait
à jamais en moi l’amertume de ne pas avoir su à temps, arrêter de rire et la
prendre dans mes bras!
Toute
ma vie après j’ai eu peur de perdre ceux qui m’étaient le plus cher, parce que
je savais maintenant que de rire et d’aimer ne pouvait pas toujours faire du
bien aux autres qui en ont besoin.
Cette
lettre est comme un cri bien indéfini…
Il n’a
pas de but précis, sauf celui de te dire que parfois c’est si dur, que la vie
semble être faite d’une succession de montagnes infranchissables, que parfois
on pense être arrivé au bout pour réaliser que non, il reste encore bien des
cailloux, bien des buttes de roches noires et que l’oxygène n’arrive pas à nous
donner du souffle pour continuer. À ces
instants, on finit tous par croire qu’il vaudrait mieux en finir, tout de
suite, dret là.
C’est
à ce moment qu’il faut tendre la main, chercher dans l’horizon les personnes
qui peuvent nous guider, nous aider. On a la chance à ces instants de choisir
qui, pas d’obligations liées au sang, aux conventions, à ce que les gens
attendent de nous.
J’aurais
envie de te demander : Si tu avais une baguette magique qui pouvait
exaucer tout ce que tu veux du côté de la vie, que lui demanderais-tu?
Dans
ta réponse, se trouve peut-être la clé de ce dont tu as le plus besoin…
Ne
triche pas.
N’oublie
pas le bout de la question qui dit : du côté de la vie…
…
Tu
veux savoir à quoi je pense quand je pense à toi? Invariablement.
Je te
revois au-dessus d’un gâteau blanc, avec des bleuets, je revois toute l’attention
que tu mettais à bien les mettre sur le crémage, pour en faire un dessin bien
précis.
Je me rappelle ton sourire et tu ne le sais pas, parce qu’on ne dit pas
ces choses-là aux adolescentes qui croisent notre route, mais ce moment précis
du gâteau avec toi, m’a fait du bien. C’était comme un instant de paix dans une
tourmente qui n’en finissait pas dans mon cœur et ma tête.
Ce gâteau, ton
sourire, tes ongles de couleurs et les bleuets m’ont donné du pep pour
continuer à croire que j’étais au bon endroit, au bon moment.
Si moi
j’avais une baguette magique et que je pouvais faire un souhait pour toi…
Je
demanderais que tu ais très bientôt, un événement aussi anodin qu’un gâteau,
qui te fasse croire que les sourires et la paix, ça existe aussi, même quand
des corbeaux noirs semblent nous tourner autour…
Prends
soin de toi.