Pas
une couverture ne peut la réchauffer, pas un coussin ne peut le remplacer.
Elle
est seule.
C’est
définitivement l’hiver le plus long de son existence…
Il
est mort en plein cœur de l’automne, quand sur les arbres avaient encore plein
de belles couleurs. Il est parti sans crier gare, sans qu’elle ne s’y attende.
Lui
savait qu’il allait mourir. C’était pour lui, trop demandant de se battre une
heure de plus, donner le change, être là, Il s’était rosi les joues en les
pinçant, pour être encore beau quand elle le regarderait. Il voulait que leur
dernier moment soit beau, bon, calme. Pas dans les pleurs, pas dans les au revoir
qui s’étirent… Juste être là, humer l’instant présent et constater à quel point
il l’aimait elle et à quel point il était fier de sa fille aussi.
Elle
se rappelle combien il avait l’air en forme, mieux que la veille. S’était prise
à espérer fêter Noël avec lui. Gagner contre ce crabe qui lui mangeait l’intérieur.
Elle n’était plus que sa femme, ni plus ni moins. À cet instant elle n’était
plus la mère de, la fille de, l’employée de… Juste sa femme qui lui tient la
main et sourie doucement.
Et
cet après-midi-là… Le gris a pris le pas sur le rose. Le sourire sur un visage
impassible et c’est une main figée dans le temps, comme en suspension, qu’elle
a prise dans ses mains pour la mouiller de ses larmes, c’est dans ses oreilles
maintenant creuses, qu’elle a hurlé sa colère et son impuissance devant cette
froideur et cette rigidité dans la mort.
Depuis
elle se promène dans la maison comme si elle était morte aussi.
Se
refuse d’aller manger à la table, parce que voir sa chaise vide lui est encore
impossible. Elle dort dans le salon, elle se fout du confort. Elle ne supporte
pas le creux vide dans le lit, sur son côté à lui. De toute façon depuis le
temps, son odeur est partie aussi. Plus rien ne subsiste, que cette absence,
ironiquement tellement présente!
Elle
regarde leur fille, vivre encore, tomber en amour peut-être… Et elle lui en
veut, comme elle en veut au beau temps! Il ne peut pas faire beau dehors quand
la douleur est si atroce, prend autant de place! Elle en veut à tous ces gens
qui rient fort dehors, comment peuvent-ils exposer leur bonheur quand tout va
si mal?
Bon.
Se lever.
Aller chercher de l’eau pour boire un peu, s’hydrater comme lui dit son
médecin.
Aujourd’hui comme hier, elle a envie d’agrémenter son eau de
tous les médicaments de la maison…
Qui sait.
Elle pourrait elle aussi faire un
creux dans le lit, pour accompagner le sien… Qui sait. Un jour elle trouvera le
moyen d’aller au bout de sa pensée… Ou de prendre le chemin de la salle de
bain, se laver et offrir son visage au soleil, le supplier de lui redonner le
rose aux joues, l’envie d’aller vers demain…
2 commentaires:
Puissant! :(
Triste hein?
Une collègue qui a perdu son mari cet automne et qui ne revient pas au travail.
Sa peine au salon m'a tellement touchée, son désarroi, je l'imagine tellement comme dans ce texte... Mais c'est de la fiction.
Ce n'est pas une amie, donc je n'ai aucune nouvelle d'elle... Sauf celle qu'elle ne revient pas au travail...
:(
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