Quand je l’ai connue, elle
marchait voûtée et les cheveux dans le visage, elle allait dans la vie comme si
un mur de briques était pour lui casser les reins à chaque instant!
Je la sentais si fragile, comme
si elle tenait en équilibre sur un fil de fer très haut dans le ciel. Je
sentais qu’elle pourrait en tomber à tout moment. Je ne savais que faire. Moi
qui chausse toujours de trop grands sabots dans les instants de crise, qui veut
tout régler dans l’heure et trouver des solutions qui n’existent souvent que
dans la patience et la longueur du temps.
De fillette au grand cœur elle
était devenue adolescente meurtrie. Ne sachant plus à quels saints se vouer
pour faire plaisir à ses parents, qui dans chacune de leur maison, avaient des
attentes si différentes et des valeurs si opposées!
Moi toute étrangère en vivant
dans la maison de son père, qui est venu mettre de la lumière fluo sur une
situation qui durait depuis trop longtemps. Et elle qui a bien vu que dans
toutes les maisons ça ne se passait pas comme « ça ». La fracture ne
s’est pas fait attendre. Forte, bien plus forte à l’intérieur qu’elle ne se
l’imaginait. Un soir elle lui a téléphoné. Lui a dit. Je ne suis plus capable,
je n’y arrive pas, je vais craquer. Je ne peux retourner chez toi. Je vais
mourir si je le fais. J’en ai pleuré de rage, lorsque j’ai su la réponse de sa
mère. OK. Alors, on ne se verra que lorsque je l’aurai décidé. Un an qu’a duré
la disette, la coupure, la fracture. Un an sans appel, sans coucou, sans
câlins, sans « je t’aime ». Un an. 12 mois. 352 jours. 52 semaines.
Un an. C’est long. Surtout
quand on a une petite sœur, qui elle continue, d’y aller toutes les semaines.
Qui n’y comprend rien. Qui se promène entre deux eaux, qui jouent les jeux de
manipulations dont elle ne comprend ni les ficelles, ni les enjeux. Un an c’est
immense dans le développement d’une adolescente. Combien de fois lui ais-je
répété que sa mère dans son silence devait l’aimer pareil, parce qu’une mère
même si ça aime mal, ça aime quand même? Des centaines de fois.
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Hier dans la voiture, nous
étions seules. Je comblais les vides, parlant de tout et de rien. Le genre de
discussion qui ne mène à rien d’autre que oui, non… bien… Si vous avez déjà eu
une discussion avec la « race » adolescente, vous savez combien ce
genre de discussion est banale et même usuelle. Puis. Je lui ai dit que sa
petite sœur m’avait dit que sa mère la citait souvent en exemple ces temps-ci. (Comme
elle ne vit pas chez sa mère et y est en visite que 4 jours par mois, les fins
de semaines, elle ne sait pas qu’on parle d’elle dans l’autre maison). Elle
grommelle cette réponse : « en bien ou en mal ». Elle est
tendue. Pas contente pour deux sous, habituée ou conditionnée de n’être à la
hauteur de rien là bas. Et moi de lui répondre : en bien ma belle. Elle
dit souvent combien tu es bonne maintenant dans tes cours, à quel point tu as
fait une remontée spectaculaire. Elle te donne en exemple de bon travail pour
encourager ta sœur à suivre ta voie…
La joie et le son de sa voix
lorsqu’elle a répétée comme une litanie pendant le restant du chemin, me fait
encore ce matin, monter les larmes aux yeux…
Ses : « pour vrai? Pour
vrai? Ah oui? Pour vrai?... » Répétés sur un trémolo à peine contenu,
démontre à quel point on est toujours la petite fille de sa mère et à
quel point on a besoin de se sentir aimé par elle. Même si c'est des ouïes dire...
À cet instant je n'avais plus à côté de moi, une adolescente... Mais bien la petite fille de sa mère.
Et ça m'a émue au point d'en être encore touchée ce matin...
À cet instant je n'avais plus à côté de moi, une adolescente... Mais bien la petite fille de sa mère.
Et ça m'a émue au point d'en être encore touchée ce matin...
10 commentaires:
C'est donc ben triste!!!
Je travaille tous les jours avec des adolescents depuis quinza ans et, quand je vois des situations du genre, ça me fâche tellement! D'autant plus que moi et mon conjoint n'avons pas d'enfant et je suis certaine qu'on aurait été tellement bons!!!!!
Une chance que tu es là pour elle... mais l'amour d'une mère, c'est tellement vital!
Maudit que ça me choque!!!
Tes mots sont juste assez beaux pour Elle... Elle a une âme et une présence si différente que parfois on peut aussi ne pas la comprendre. La décrire et accueillir son coeur comme tu le fais maintenant me confirme qu'il n'y a que les vraies qui peuvent reconnaitre les vrais...
Ginxxx
Oh...ça fait réfléchir toute cette situation. Merci d'avoir partagé cette tranche de vie!
Pauvre chouette... Triste que des adultes n'agissent pas toujours comme tels. En même temps, la mère a dû être profondément blessée pour agir de la sorte. Pas facile les séparations. J'espère que ta belle-fille et sa mère sauront ensemble panser leurs blessures.
Oui, mais elle en est ressortie tellement grandie la belle! C'est fou, c'est comme si elle avait compris que si elle se choisissait, si elle faisait tout pour se faire respecter, se faire entendre, dans le respect, elle pouvait s'en sortir. Pour ce qui est de sa mère, je comprends sa douleur, c'est sa fermeture que je comprends moins bien. Mais je pense sincèrement, que maintenant leur relation est plus vraie... elle connait maintenant qui est sa fille pour vrai et sur ces bases ça ne pourra qu'aller en s'améliorant... en fait... je l'espère!
Malgré la tristesse, elle a de la chance de t'avoir dans sa vie...
Ce billet m'a fait pleurer. Je les trouve si fragiles, les ados, toujours sur le fil de quelque chose. Mais jamais il ne faut couper ce fil, si ténu soit-il, même si on en a envie parfois. C'est bien qu'elle renaisse. Je transmets ce billet à une maman séparée aussi, dont la fille vit maintenant avec elle et dont le papa a coupé... le fil.
Wow que c'est touchant ! J'en ai les larmes aux yeux !! C'est vrai qu'avec les adolescents, vient un moment ou on ne sait plus comment se comporter avec eux. Ils veulent être vus comme des adultes même si l'enfant en eux prend parfois beaucoup de place. Et puis, en tant qu'adulte, on imagine qu'il y a des choses que nous n'avons pas besoin de dire: qu'ils le savent forcément ! Et bien visiblement, il faut dire et dire encore. On ne sait pas quel matin ça peut faire une réelle différence pour cette personne devant nous !
Merci pour ce billet vraiment touchant !
Marie
Si touchant ce billet... Et surtout, j'y vois tellement d'amour de ta part pour cette belle fille à la fois forte et sensible. Merci d'avoir partagé.
Wow ... Je découvre ton blogue avec ce billet ... La barre est haute maintenant !! ;)
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