21 janvier 2016

Deux mots



Ça fait des mois que je n’écris plus.

Des mois que je ne lis presque plus non plus.

Des mois que je dors sur mon divan, mon chaton sur le cœur, mon chien aux pieds, mon fils inquiet et mon homme aux aguets.

Il existe plein d’euphémisme pour nommer la chose…

Moi je préfère les mots crus, directs.

Dépression sévère.

Juste deux mots, 15 lettres, un espace et un point.

Deux mots qui se forment longtemps avant qu’on ne les nomme les écrive ou même qu’on les ressente.

Deux mots forgés dans les peines, les angoisses, tricotés de peurs, de jugements, de dénis, et de tentatives de s’en échapper.

Deux mots si puissants qu’ils te tirent vers le bas, même si t’es résiliente, combative, souriante, gentille et confiante.

Même si tu penses que la vie est belle, ces deux mots te font parfois peser sur l’accélérateur devant une lumière rouge… D’un coup qu’en passant dessus après ce ne serait plus souffrant.

Tu n’y crois pas, mais tu le fais pareil… Une fois pour la luck, les autres fois parce que c’est plus fort que toi.
...

Dé-Pression… Dépressurisation.

Enlever la pression sur le cœur, le corps, l’âme.

En fait, enlever est un verbe actif. Moi je l’ai vécu comme un pic au cœur sans le choisir, ça a fait : « psssssssssshhhhht » et « BANG »….

Comme un pneu d’une tonne qui éclaterait sur une route ensoleillée d’été.

Tu te dis que ça ne se peut pas…

Il fait beau, c’est l’été, c’est censé être léger, festif, joyeux.

Bin non.

Ça éclate quand même.

Pour faire bonne figure, tu joues à être meilleure que les deux mots, que tu ne nommes pas encore.

En fait, tu ne les crois pas… tu as beau les entendre te chuchoter à l’oreille qu'ils te guettent, te surveillent, qu'ils ne te lâcheront pas, tu ne les écoutes pas. Tu ignores leurs présences...

Alors tu bouges plus vite encore, tu remplis ton agenda de soirées festives et occupées. Tu t’épivardes et ça ne règle rien. Au contraire!

Tu te dis que ce sont encore tes maudites hormones, que tu es juste fatiguée que tu n’as qu’à dormir un peu plus et plus encore… Tu comptes chaque minute qui te mènent vers le samedi matin sans cadran!

Tu te sens paresseuse en plus, tu regardes autour de toi tous ces gens qui réussissent en souriant en ne perdant rien de leur énergie.

Tu regardes cette personne qui a traversé l’enfer et qui a su rester lumineuse, et cette autre personne qui en arrache et continue à travailler, s’occuper d’elle et être belle.

Tu te dis que tu n’as pas le tour et tu redoubles d’efforts, tu cherches ta volonté qui joue à cache-cache avec ton âme…

Et tu nies ce que tu ressens jusqu’à pleurer au bureau devant ton écran de secrétaire ou bien encore quand une collègue te demande si tu vas bien.

Tu viens de lui répondre que tout va bien et pourtant les yeux coulent et les joues rougissent.

Tu n’as pas encore compris ce jour-là que tu étais à bout…

Dure de comprenure est une phrase que tu t’es souvent fait dire quand tu étais petite.

Il faut lui expliquer longtemps pour qu’elle comprenne celle-là!

Bin oui!

Le jour où ton fils de 20 te prend dans ses bras pour te consoler, que ton homme te dit qu’il faut faire quelque chose, que tu sens que tout t’échappe.

Tu abdiques, tu vas chez le médecin pour un petit congé d’une semaine, car tu es si fatiguée… Une semaine! Pff….

Les semaines deviennent trop vite des mois… Et tu dors effectivement, mais tu travailles les fissures, tu rafistoles ton cœur, ton cerveau est tout mou et ne veut plus donner de la tête nulle part.

Tu penses que tu vas devenir le sofa, tellement tu es toujours dedans… La doudou sent un peu le rance, mais tu es trop lâche pour la laver et ça sent si bon, ça sent toi et le chat…

Tu as 3-4 livres de commencés, mais tu n’enlignes plus 4 lignes sans que tu partes dans tes pensées…

Tu abdiques et tu dessines, tu abdiques et tu colores, tu abdiques et tu respires, tu abdiques et tu marches dehors…

4 mois plus tard, tu vas mieux, mais pas encore assez pour être de nouveau sur pied à temps plein.

Deux mots, qui se forment sur des mois, des années…

Pourquoi l’écrire maintenant? En parler ouvertement?

Parce que je suis tannée des tabous, des non-dits.

Oui dépression sévère.

C’est grave.

Mais on peut s’en sortir… Un peu.

Une marche, un dodo, un câlin et un sourire à la fois.

Je vois la porte de sortie, mais j’en suis encore loin.

Mais au moins il fait moins noir, car ma porte a une grande fenêtre et le soleil y entre tout plein.

Et maintenant il ne me vient qu’une chose en tête quand je vois une lumière rouge.

Le frein, pas l'accélérateur!